Caspar David Friedrich (1774-1840), et Mnémosyne


"Le devoir de l'artiste ne consiste pas dans la fidélité de la représentation
 du ciel, de l'eau, des rocher et des arbres ;
 c'est son âme et sa sensibilitĂ© qui doivent se reflĂ©ter dans la nature ",
 dĂ©clare l'artiste, Caspar David Friedrich, comme une profession de foi.

 

https://www.beauxarts.com/encyclo/caspar-david-friedrich-en-2-minutes/

J'enchaĂ®ne avec une rĂ©flexion liĂ©e Ă  Caspar David Friedrich.  

Il s'agit d'un travail que j'ai écrit en fin d'études en 2016 aux Ateliers Beaux-Arts de Paris sur le thème de Mnémosyne.


                         MnĂ©mosyne

Brigitte Biechy

                                                                      

-         MnĂ©mosyne, dĂ©esse de la MĂ©moire, s’insinue-t-elle dans l’art crĂ©atif ?

-         Si oui quelle est son empreinte dans les Ĺ“uvres des plus grands ?

-         La retrouve-t-on dans mon propre travail pictural ?

-         Conclusion.


 

-        La MĂ©moire s’insinue-t-elle dans l’art crĂ©atif ?

Une crĂ©ation est MĂ©moire par essence puisqu’elle n’existait pas hier. Elle est date, s’inscrit dans le temps, et tĂ©moigne de l’Ă©tat d’esprit, du vĂ©cu, du ressenti de l’auteur en ce jour. L’Ĺ“uvre sera le souvenir de ce jour, elle en sera la mĂ©moire.

Picasso qui a tant Ă©voluĂ© au cours de sa passion crĂ©ative savait de quoi il parlait : « L’Ĺ“uvre qu’on fait est une façon de tenir son journal».

Au cours de cette rĂ©flexion sur la mĂ©moire dans l’Ĺ“uvre crĂ©ative, je ne parlerai que du domaine pictural que j’exerce aux Beaux-Arts de Paris Glacière.

Tout au long de sa vie l’artiste peintre se constitue un catalogue de mĂ©moires. Il est façonnĂ© d’empreintes perceptives que lui a laissĂ© la vie, le monde qui l’entoure, les Ă©motions qu’il a ressenties, les Ă©preuves douloureuses vĂ©cues, ses sensations. Cela construit son ĂŞtre et lui permet de se dĂ©couvrir, de prendre conscience de son corps et de son esprit. 

Ce catalogue de mĂ©moires est enrichi par la formation, la curiositĂ© et la recherche. CrĂ©er suppose d’ĂŞtre Ă  l’Ă©coute de ses reprĂ©sentations sensibles. Il s’agit de transformer en reprĂ©sentations visibles des inscriptions psychiques du plus profond de soi.

Ernst Hans Gombrich, historien de l’art britannique d’origine autrichienne, auteur de nombreux essais et articles, notamment d’une cĂ©lèbre Histoire de l’art, est connu en 2009, pour avoir introduit, de manière active, la psychologie dans son domaine, ce qui est, selon lui, devenu indispensable pour comprendre les Ĺ“uvres d’art.

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-        De quelle manière apparaĂ®t la MĂ©moire dans la crĂ©ation des grands artistes peintres ?

Dans notre Ă©poque oĂą les images l’emportent sur les mots, beaucoup de crĂ©ateurs tĂ©moignent de l’empreinte de la mĂ©moire dans leurs Ĺ“uvres plus ou moins implicitement.

Le mouvement surrĂ©aliste a libĂ©rĂ© les artistes de l’acadĂ©misme en faisant appel au rĂŞve, Ă  l’imaginaire, Ă  la folie et Ă  l’inconscient de chacun.

Dali, peintre surréaliste code tous les éléments de ses tableaux.

Derrière des objets apparemment anodins, se cachent des symboles.

Dans « La girafe en feu », les tiroirs, rĂ©currents dans ses Ĺ“uvres, reprĂ©sentent la mĂ©moire ainsi que l’inconscient.

Ils renvoient Ă  « la pensĂ©e Ă  tiroirs », un concept hĂ©ritĂ© de la lecture de Freud et expriment le mystère des secrets cachĂ©s.

                        

Dans le même courant artistique, Magritte puisait également le symbolisme de ses toiles au cœur de son existence.

Il a rĂ©alisĂ© de nombreuses Ĺ“uvres sous le nom : « AllĂ©gorie Ă  la mĂ©moire. »

                              

Ce tableau reprĂ©sente une mĂ©moire douloureuse. La tache de sang Ă©voque le vivant et la douleur. Elle contraste avec l’immobilitĂ© de   l’objet-statue, insensible. La tĂŞte est sĂ©parĂ©e de son corps comme la feuille sĂ©parĂ©e de son arbre est destinĂ©e Ă  mourir. Le grelot est dĂ©tachĂ© de ce Ă  quoi il Ă©tait reliĂ© : cela symbolise la mort, la sĂ©paration. Le grelot pourtant symbole d’enfance et de musique, ici, tue.

En 1954, Magritte a rĂ©pĂ©tĂ© ce thème jusqu‘Ă  l’obsession, Ă©voquant la mort, la perte, la douleur surgissant au milieu de la tranquillitĂ© de l’oubli symbolisĂ©e par la sĂ©rĂ©nitĂ© qui Ă©mane de ses arrières plans : « nous ne retenons que ce qui nous frappe, nous meurtrit et nous heurte douloureusement » 

                              

  Autre exemple, tĂ©moin de mĂ©moire collective, Vladimir Velikovic est nĂ© en 1935 en Yougoslavie, au cĹ“ur des atrocitĂ©s commises par les nazis. Il exprimera, tout au long de sa vie, par la peinture, la douleur et la violence de cette mĂ©moire. Il peint des hommes ou des animaux dont les corps sont confrontĂ©s Ă  des situations dramatiques et terrorisantes qui Ă©voluent dans des scènes de guerre et de carnage au cĹ“ur de paysages dĂ©solĂ©s. Vladimir Velikovic veut : « Laisser une cicatrice dans la mĂ©moire des spectateurs ».

Dernier exemple parmi tant d’autres, Anselm Kiefer, nĂ© en 1945 est allemand mais pas juif. Toute son Ĺ“uvre n’aura qu’un but, celui de rĂ©parer. Il raconte lors d’un entretien avec Daniel Arasse que « les Ĺ“uvres d’art doivent contenir du sens », « que l’esprit est dans l’objet », et que « le contenu du tableau est essentiel et non la technicitĂ©. »

                       


  Thierry Delcourt, psychiatre et psychanalyste Ă©crit en 2007 : « Il est lĂ©gitime qu’un crĂ©ateur ne veuille rien savoir de son acte nĂ©cessaire et de la signification de l’objet qu’il crĂ©e car il est difficile d’affronter sa part d’ombre et les turpitudes de son inconscient. Le plus souvent, il en donne une interprĂ©tation complaisante qui doit se respecter au risque de perdre la facultĂ© de crĂ©er. Le dialogue sensible entre crĂ©ateur et rĂ©cepteur de l’Ĺ“uvre est avant tout riche de ce qui ne se dit pas, de ce qui ne se sait pas. » 

Ainsi, pour rĂ©sumer, l’acte de crĂ©er, loin d’ĂŞtre anodin, rĂ©vèle la personnalitĂ© de l’auteur et souvent Ă  son insu, qu’il l’assume ou non.

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-        Que dire de mon travail pictural et de son rapport Ă  MnĂ©mosyne ?

Dans plusieurs de mes toiles, des bandes puissantes plus ou moins verticales, Ă©tayent mes constructions. Je veux croire que ces lignes de forces telluriques qui s’allongent et s’Ă©tirent jusqu’Ă  vouloir sortir du tableau symbolisent mes racines qui m’entraĂ®nent vers l’avenir. Un besoin de me rĂ©fĂ©rer au passĂ© qui m’a construite. 

 

                              N°75    FĂ©v.2016

                     


  Des voiles transparents passent et masquent sans vraiment les occulter des parties du tableau relĂ©guĂ©es au second plan, des passages masquĂ©s signifiant les zones d’ombre dans l’histoire.

Un autre dĂ©terminant dans la composition de mes tableaux s’affirme dans l’attrait pour l’Ă©lĂ©gance, mettant en avant l’Ă©quilibre de la courbe et du cercle.

 J’avoue la nĂ©cessitĂ© d’inviter dans chacune de mes toiles, comme une signature, un arc de cercle symbolisant la forme accomplie parfaite, idĂ©ale perfection pour moi. Jusqu’Ă  ce que je dĂ©couvre le « Discours de rĂ©ception » de Sidonie Gabrielle Colette dont voici un extrait majeur : « Mon instinctif penchant qui se plaĂ®t Ă  la courbe, Ă  la sphère et au cercle… Tendre vers l’achevĂ©, c’est revenir Ă  son point de dĂ©part. »

Et voilà que Mnémosyne ressurgit !

                            

 Ce dilemme complexe et troublant a influencĂ© mon travail. Il correspond Ă  mon intime conviction, lui ajoutant une chute tourmentĂ©e et insoluble.  

   A vouloir s’accomplir, revenons-nous dans notre passĂ© ?  Ouvrir des fenĂŞtres dans mes tableaux serait-ce crĂ©er des passages vers hier ?

                                    Un nouvel Ă©vĂ©nement me conforte dans cette importance des souvenirs, moteurs de la crĂ©ation.

Dernièrement, chez un libraire, j’aperçois un livre de Norbert Wolf : « Friedrich ».

Attirée, je le feuillette et un flash surgit réveillant ma mémoire. Je reconnais les tableaux, la richesse des couleurs, la beauté de leur composition, leur atmosphère éclatante me subjuguent.

C’est sĂ»r, ces tableaux ont contribuĂ© Ă  façonner mes goĂ»ts, mes aspirations, et ce livre rĂ©vèle ma madeleine de Proust.

 Novalis magnifie le romantisme de Friedrich en nous offrant ces mĂ©taphores : « il donne au commun un sens Ă©levĂ©, Ă  l’ordinaire un air de mystère, au connu la dignitĂ© de l’inconnu, au fini l’apparence de l’infini ».  

Je suis sous le charme…

                                                                            

                Falaises de craies Ă  RĂĽgen 1818 Huile sur toile 90,5X71.

Norbert Wolf dans son livre sur Friedrich Ă©crit Ă  peu près ceci : ce tableau est considĂ©rĂ© comme une allĂ©gorie Ă  l’amour que Friedrich porte Ă  sa femme, amour symbolisĂ© ici par le cadre infĂ©rieur en forme de cĹ“ur que forment la bande de terre et les arbres.  Ici Friedrich confronte le proche et le lointain, il les compare. Le voyage de noce se transforme en voyage « de vie ». Les voiliers annoncent un grand voyage qui commence sur la rive devenue Ă©troite du moment prĂ©sent, des choses familières, et dont la destination est l’horizon oĂą se dessinent des promesses et des espoirs infinis…

Et soudain, je rĂ©alise que j’ai rĂ©cemment configurĂ© une composition schĂ©matiquement similaire dans un ensemble tout autant chargĂ© de symboles personnels. Les deux tableaux pourraient ĂŞtre superposĂ©s.

Loin de moi l’idĂ©e de comparer mon tableau Ă  celui, magnifique, de Freidrich…

Mais ce rapprochement dans la construction me trouble…

N°71   DĂ©c 15

                         

Dans ce tableau figuratif, peint en mĂ©moire d’un ĂŞtre cher disparu, je me rĂ©fugie dans ma peinture, je m’Ă©vade dans un paysage mĂ©taphorique, cachant des images anciennes lourdes de sens pour moi. A ce moment-lĂ , je ne pensais pas qu’un peintre du dix-neuvième siècle me tenait la main !

MnĂ©mosyne, dĂ©cidĂ©ment, s’insinue dans mon travail.

  Quelques pages plus loin, nouveau choc : La mer de Glace !

 

      Ce tableau, je l’ai dĂ©jĂ  vu, je l’ai dĂ©jĂ  aimĂ©, et je le retrouve avec la mĂŞme Ă©motion !

             

     L'histoire de Friedrich, est bien ici prĂ©texte Ă  la reprĂ©sentation d'un paysage saisissant, des symboles comme la recherche divine sous forme des blocs de glace brisĂ©s qui se dressent vers le ciel, leurs lignes obliques Ă©voquant le drame tandis que le bateau dĂ©chiquetĂ© symbolise vraisemblablement, la fragilitĂ© de l'homme.

Ce sont des symboles avouĂ©s pour l’AcadĂ©mie mais la mĂ©moire de Friedrich est belle et bien gravĂ©e dans son tableau : le peintre s'est souvenu de la mort par noyade de son frère, lors d'une partie de patinage. Il Ă©voque aussi le naufrage d'un trois-mâts, prisonnier dans les glaces durant une expĂ©dition dans le grand Nord.

 

Serait-ce cette peinture remarquable qui m’aurait inspirĂ©e, lorsque je m’attachais Ă  symboliser le rĂ©chauffement climatique ?

             

             N°69   Oct. 2015      

 

ImprimĂ©e, enfouie dans ma mĂ©moire, « La mer de Glace » de Friedrich peinte en 1823, ressurgit-elle quelques annĂ©es plus tard, transfigurĂ©e dans l’ambiance cristalline et rocheuse sortie de mes pinceaux ?

                                                         

Je suis toujours chez le libraire et passe en revue toutes les pages du livre. Je cherche la preuve que j’ai dĂ©jĂ , autrefois, rencontrĂ© ce peintre en oubliant son nom mais en gardant intactes les impressions fortes que m‘Ă©voquaient ses chefs-d’Ĺ“uvre. 

Quand soudain, page 50, voilĂ  la « Femme au soleil du matin » !

                               

J’ai trouvĂ© le maillon qui me manquait !

Ce tableau, je le reconnais immĂ©diatement, je l’ai copiĂ© et ornĂ© au crayon d’or, il y a longtemps, sĂ»rement dans les annĂ©es 80 :

                          

                         

Cette dĂ©couverte corrobore l’idĂ©e que tout un travail se fait dans notre inconscient au fil de notre vie. Des Ă©vĂ©nements vus, ressentis, surtout s’il y a Ă©motion, laissent une empreinte et nous façonnent. Il est indĂ©niable que d’avoir remarquĂ© dans un passĂ© plus ou moins lointain ce peintre, sans m’attacher Ă  me rappeler son nom, a marquĂ© ma mĂ©moire.

 

Dans « MnĂ©mosyne », les Arts de la MĂ©moire, François Boutonnet prĂ©sente les liens Ă©troits, qui sont connus depuis la Grèce Antique, entre pensĂ©e et image. Ces liens permettent depuis toujours aux hommes de dompter leur mĂ©moire, de dĂ©velopper des stratagèmes pour l’organiser et la fidĂ©liser. En ce qui me concerne, ma mĂ©moire peu permĂ©able aux informations que je n’ai pas expĂ©rimentĂ©es comme les dates, les noms propres, m’apparaĂ®t experte pour engranger des images, des couleurs, des matières.

Ce que j’ai retenu des tableaux de Friedrich, ce sont ses compositions rigoureuses, symĂ©triques, linĂ©aires, prĂ©cises, avec un fort contraste entre le vertical et l’horizontal. Ces structures m’apparaissent d’une modernitĂ© Ă©tonnante.

Lorsque je peins, des chemins de mĂ©moire rĂ©veillent en moi des rĂ©miniscences, crĂ©ant des Ă©chos sur mes tableaux sous forme d’ordonnancement structurĂ©. Je cherche Ă  creuser l’espace du tableau pour suggĂ©rer une profondeur. En dĂ©finitive, il faut qu’une notion d’espace se dĂ©gage avec un haut et un bas, un proche et un lointain.

L’Ĺ“uvre de Gaspar David Friedrich m’a fascinĂ©e Ă©galement et me fascine toujours par les images d’intĂ©rioritĂ© purement subjectives qui se dĂ©gagent de ses thèmes. Je suis d’accord avec ceux qui le considère comme le peintre gĂ©nial du silence. Friedrich se confie dans ses Ă©crits : « Il faut que je reste seul et que je sache que je suis seul afin de contempler et d’Ă©prouver la nature. Je dois m’abandonner Ă  ce qui m’entoure, m’unir Ă  mes nuages et mes rochers pour ĂŞtre ce que je suis. »

Je remarque que dans mes toiles apparaissent des couleurs fondues, pâles, bleutées, des espaces lointains comme autant de sfumati qui veulent renforcer la profondeur de la composition. Ces zones de vastes silences, correspondent à une partie de mon histoire, de ma personnalité.

Ainsi, comme constate Erik Orsenna en 2007, « Le souvenir est souvent le père d’une idĂ©e ». Friedrich a imprimĂ© son histoire personnelle dans des toiles ambigĂĽes, oscillant entre paysages et histoires. Ces peintures m’ont impressionnĂ©e au point de ressurgir colorĂ©es de ma singularitĂ© dans mon propre travail !

La chaĂ®ne est sans fin. Si le peintre est le moteur, le spectateur est l’outil, alors MnĂ©mosyne devient la courroie de transmission…

Et mĂŞme si c’est l’inverse, Ă  savoir que le moteur est le spectateur, alors le peintre devient l’outil… De toute façon, MnĂ©mosyne garde son rĂ´le de transmission.

« Le monde de l’art n’est pas celui de l’immortalitĂ©, c’est celui de la mĂ©tamorphose. »  Je remercie AndrĂ© Malraux d’exprimer si judicieusement ce passage de tĂ©moin et toute ma reconnaissance va Ă  ma MnĂ©mosyne et aux crĂ©ateurs qui m’ont influencĂ©e et enrichie !

Thierry Delcourt, psychiatre, rĂ©sume notre propos : « Le fait de crĂ©er mobilise en soi une mĂ©moire, des affects, une expĂ©rience, une histoire. Depuis les premières perceptions archaĂŻques, jusqu’Ă  la production d’un objet, l’artiste traverse les strates de son psychisme et en recueille cet objet, d’abord virtuel, dont il fera son Ĺ“uvre.  L’Ă©motion sensible prend sa source dans la matrice de l’ĂŞtre et donne Ă  l’objet crĂ©Ă© son irrĂ©ductible singularitĂ©. Le spectateur de l’Ĺ“uvre reçoit ou non cette Ă©motion en fonction de sa disponibilitĂ© et de sa capacitĂ© Ă  mobiliser sa propre sensibilitĂ©. » 

Par exemple, Francis Bacon, né en 1909, représente sur ses toiles un monde cruel, qui illustre la violence crue et la monstruosité que chacun porte en soi, comme nous le fait découvrir la psychanalyse.

 

Study for the head of a screaming pope  

Francis Bacon   1952

Certains s’y retrouvent comme le constate Jean-François Rabain. D’après ce psychanalyste, le « monde hallucinĂ© » de Francis Bacon exprime mieux que tout autre, les profondes souffrances de ses patients anorexiques.

Ces derniers atteints eux-mĂŞmes dans leur propre chair, retrouvent dans ces corps qui se dĂ©litent, se dĂ©chirent et se rĂ©pandent sur les toiles de l’artiste, la souffrance de leur propre corps reniĂ© et exclu.

Ses Ĺ“uvres qui reprĂ©sentent les angoisses extrĂŞmes qui l’habitent me sont complètement Ă©trangères. Je n’en garderai pas trace : « On n’invente qu’avec le souvenir » Alphonse Karr.

 

-        Conclusion : la mĂ©moire est outil de crĂ©ation et crĂ©er est outil d’Ă©panouissement.

Comme j’ai essayĂ© de le dĂ©montrer, les catalogues de mĂ©moires alimentent tout acte crĂ©atif.

CrĂ©er ne fait pas qu’Ă©veiller les souvenirs enfouis, crĂ©er magnifie les personnes.

CrĂ©er dans l’atelier des Beaux-Arts de Glacière restera longtemps une expĂ©rience fabuleuse pour moi. A l’invitation de Martin Bissière, j’ai dĂ©couvert le monde Ă©tonnant de l’art l’abstrait après des annĂ©es Ă  m’exprimer dans un monde concret.

J’ai vraiment l’impression d’avoir apprĂ©hendĂ©, un moyen d’expression qui me correspond, une nouvelle Ă©criture mise Ă  l’Ă©preuve du regard et des images souvenirs.

Le grand saut vers l’art non-figuratif fut un vĂ©ritable dĂ©fi. J’ai osĂ© m’exprimer, me dĂ©voiler sur des châssis de grands formats.

Toute ma vie, j’ai eu l’impression de me dĂ©battre dans un monde non adaptĂ© Ă  ma mesure. Je pense en image d’oĂą mon appĂ©tence pour la reprĂ©sentation graphique. M’exprimer oralement ne m’attire pas. En revanche, m’Ă©vader dans un monde en trois dimensions m’ouvre des horizons jusque-lĂ  bouchĂ©s dans un environnement linĂ©aire imposĂ©.

La dyslexie est la compagne d’une vie. Ma pensĂ©e particulière qui me fait voir le monde en divers points de perceptions stimule mon imagination. Elle m’a amenĂ©e Ă  la peinture. Je peux affirmer que de mon handicap, je suis en train de faire surgir une capacitĂ©. Je donne raison Ă  Paul Klee :« L’art ne reproduit pas le visible, il rend visible ». 


Comme le gĂ©ologue fouille les entrailles de la terre afin d’en connaĂ®tre l’histoire, je cherche en filigrane dans mes crĂ©ations.

Je cherche Ă  connaĂ®tre de moi ce que je ne connais pas encore… et devant un tableau terminĂ© je m’Ă©tonne de dĂ©couvrir lĂ , me faisant face, une partie de moi dĂ©voilĂ©e.

 

Octavio Paz, poète mexicain du XXème, dit avec raison : « Toute Ĺ“uvre d’art est une possibilitĂ© permanente de mĂ©tamorphose, offerte Ă  tous les hommes ». 

Et je vais terminer comme j’ai commencĂ©, avec Picasso : « Je ne peins pas ce que je vois, je peins ce que je pense ».

Je peins avec Caspar David Friedrich, et Vermeer, maĂ®tre Ă©clairagiste, ou Roberto Matta, gĂ©nie des profondeurs spatiales, et plus près de moi, avec Catherine Seher experte en zones de non-dit et tant d’autres qui me guident … un chemin se trace en moi, je n’ai qu’Ă  le suivre et puis, laisser mon empreinte.

MnĂ©mosyne va m’accompagner en silence, un bout de chemin encore !

 

Mnémosyne

Brigitte Biechy      FĂ©vrier 2016

ABA Glacière  2014-2015-20

   

Notes et rĂ©fĂ©rences :

Peinture : 

Friedrich de Norbert Wolf, Editions Taschen. 2015

 

L’art visionnaire, Michel Random Fernand Nathan. 1991

 

Rencontre pour mémoire, Anselm Kiefer et Daniel Arasse.

https://www.youtube.com/watch?v=RpsdMVca5Ao

 

La place de la peinture dans l’art contemporain :

MĂ©moire et table rase : www.face-art-paris.org/FAPrw/artsenat/mĂ©moire.pdf

 

L’espace dans l’art, Perez 2015 :

http://perezartsplastiques.com/2015/03/04/lespace-dans-lart/

                                                                                                   

Roberto Matta, l’espace de l’espèce : 2013

www.lacritique.org>lacunes>chroniques

 

Analyser une peinture : La mĂ©moire, Magritte de Catherine Koning 2013

www.col-grunewald-guebwiller.ac-strasbourg.fr/

 

Fred Kleinberg, La mémoire au corps, Peintures 1999

www.fred-kleinberg.com/.../peinture-1999-2000-la-memoire-au-corps/

 

 

 

Philosophie :

Psychanalyse et beautĂ© : citations de François Rabain  et propos sur Daniel Arasse

www.philoflo.fr/resources/Psychanalyse+et+beaut$C3$A9.pdf

L’art et l’illusion :  Gombrich

http://zebrezou.canalblog.com/archives/2009/01/16/12108613.html

 

Cours de philosophie/leçonXXVI.l’imagination

https://fr.wikisource.org/.../cours_de_philosophie/leçon_XXVI._l’imagination

 

L’imagination est-elle une mĂ©moire qui ne se contrĂ´le plus ?

sos.imagination.free.fr/imagination.htm

 

 

Psychanalyse

Le processus de crĂ©ation : dispositifs, paradoxes et contraintes. Thierry Delcourt, psychiatre et psychanalyste. 2007

www.thierry-delcourt.fr/article-le-processus-de-creation-dispositifs-parad.

 

 

 


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