Dialogue autour de ma peinture




Brigitte Biechy                                           Paysages pas si sages 



AV : Saint Augustin affirme que « Celui qui se perd dans sa passion a moins perdu que celui qui a perdu sa passion ». Peux-tu parler de ta peinture qui est ta passion ?
BB : Par la peinture j’ai trouvé le moyen d’exprimer mon monde intérieur, un monde coloré en images et en relief. Alors je peins !
AV : Oui, ta peinture est un monde irréel, imaginaire, d’émotions et de couleurs. Comment arrives-tu à donner ces émotions par l’abstraction ?
BB : Au commencement du tableau, je n’ai pas d’intention. Je travaille le geste et la couleur qui prédominent. 
Lorsque formes et couleurs possèdent la toile, je ne peux m’empêcher de m’y plonger. Dès lors qu’elles m’entourent, j’en deviens un élément sensible. Beaucoup d’images affluent dans ma tête et me tentent. Des choix s’imposent à la recherche d’émotion. C’est à ce moment qu’arrive une tension entre l’abstraction du départ et la figuration rassurante. Cette frontière est fragile.

AV : Le format de tes tableaux est souvent horizontal, format qui induit une lecture évocatrice de paysages…
BB : J’ai été touchée par ces mots d’Agnès Varda : « Si on ouvrait les gens, on trouverait des paysages ».  Je valide cette hypothèse qui corrobore l’espoir que je mets dans le premier geste posé sur la toile. Bien que le plus spontané possible, je le veux déjà paysage. 
Pendant la période romantique, mes maîtres incontestés ont magnifié les paysages de leur pays : Friedrich, Turner et Corot, Normann, puis plus contemporain Chu Teh Chun. Leur vision du monde me parle et elle m’amène en toute humilité, à créer mes propres paysages oniriques.
AV : Les œuvres exposées à l’Eglise Saint-Etienne ont été réalisées ces trois dernières années. Durant cette période, je trouve que ta peinture connaît une évolution.
BB : En effet, j’admets les imprévus davantage qu’auparavant et même je les provoque sur la toile. J’ajoute parfois une écriture graphique, ce trait dans son tracé décisif, est un dernier défi porté au tableau, car il le met en danger. Cependant, tout bien réfléchi, cette signature moderne s’avère une alliée : elle vient éloigner le paysage et inviter le spectateur à rentrer dans la profondeur de la toile.
AV : Tu as acquis une plus grande liberté d’expression, une spontanéité picturale et graphique qui va, j’en suis sûre, t’emmener encore plus loin.
BB : Mon souhait est de préserver au tableau une ouverture propre. Je  tiens à laisser au spectateur une liberté d’interprétation la plus grande possible.
Plus que la recherche de la performance technique, j’aimerais une spontanéité garante de ma richesse intérieure et de ma sensibilité.


                                                                                           Entretien de Brigitte Biechy avec Anne Viret

                                                                                           Beaux Arts de Paris, le 6 septembre 2017
N°116   Nov 2017  100cmX80cm

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